dimanche 27 janvier 2008

Pleurs

Pas réellement une histoire, plutôt une constatation.

N'importe qui ayant pris le métro à Montréal, ou dans n'importe quelle autre ville, a inévitablement croisé quelqu'un assis sur un band en train de verser de chaudes larmes. Alors que je me rendais à CHOQ mardi, je suis passé à côté d'une jeune dame tenant son cellulaire d'une main et un mouchoir de l'autre. Son coeur venait peut-être de se briser, mais ne sautons pas à d'hâtives conclusions.

Il s'agit probablement d'une peine si grande qu'elle effrite la notion d'intimité, nous poussant l'exprimer sans pudeur aux yeux de tous. La pauvre fille se voyait comme frappée par la foudre, explosant en pleurs sans se soucier du regard des autres.

Ou alors, peut-être qu'elle désirait au contraire attirer l'attention d'un inconnu. Il est possible qu'elle recherchait le confort d'un étranger en exposant ouvertement ses blessures.

Comme la plupart des passants cette soirée, je ne le saurai jamais. Égoïste, je ne voulais pas avoir mon propre moral brisé et j'ai simplement continué mon chemin.

lundi 21 janvier 2008

Radio

Du riz et des fèves sera désormais diffusé tous les mardis soirs à CHOQ.FM à 23h. Vous pourrez ensuite écouter l'émission sur Podcast quand bon vous semblera.

Si vous avez des anecdotes que vous aimeriez que je raconte en ondes, envoyez-les moi par courriel.

mercredi 9 janvier 2008

Décennie

Il y a dix ans de ça, c'était la fameuse tempête de verglas. Si vous ne savez pas de quoi je parle, vous n'êtes pas Québécois. Nous possédons un bel éventail de désastres écologiques comme les inondations du Lac Saint-Jean. J'étais tout jeune à l'époque et à chaque matin, je me ruais vers le radio pour apprendre si mon école était fermée ou non. Mon père me répondait toujours par la négative, sauf un matin où il ne m'a tout simplement pas réveillé. J'ai compris alors que la fin de semaine allait durer plus longtemps que prévue.

Deux de mes amis l'ont appris en se rendant à l'école à pied. L'autobus n'arrivant pas, ils ont pris la décision de faire le trajet à pied. Ce qui ne devait prendre que quelques minutes a demandé pas loin d'une heure. Ils prétendent qu'ils ne sont pas tombés une seule fois malgré les trottoirs glissants et ma foi, pourquoi pas ! Lorsqu'ils arrivent enfin face au collège, ils remarquent que personne ne se trouve devant le bâtiment. Ils tentent d'ouvrir plusieurs portes, mais elles sont toutes barrées. Ils se regardent avec un mélange d'extase et un incontrôlable sentiment de victoire. Ils pouvaient enfin revenir dans leur demeure pour jouer au Sega CD. Un hit à l'époque était la chanson-thème des Boys d'Éric Lapointe. Comme le dit souvent un de mes deux amis, ça fittait bien avec le moment.

Une expérience très forte en terme de cinéphilie a eu lieu lors de cette tempête. Pendant plusieurs jours, les chaînes de télévisions diffusaient en boucle des informations sur la tempête. Lorsque les événements se calmèrent un peu, ils décidèrent de présenter des films tard le soir, question de changer les idées du peuple apeuré. TVA eu la très étrange idée de jouer le remake de Night of the Living Dead. Étant fasciné par le cinéma d'horreur, j'applaudissais cette initiative et dévorait le film jusqu'à ce que la terreur m'envahisse complètement. Venant tout juste de voir des heures d'actualités montrant le Québec en détresse, je m'identifiais avec ses personnages en prise avec une incontrôlable force de la nature. Je n'ai jamais été capable de le visionner jusqu'au bout, préférant l'humour de Beavis et Butt-Head disponible sur une chaîne canadienne. Je pris une marche très tard dans la soirée, craignant que dans le brouillard, quelques zombies pouvaient se cacher.

jeudi 3 janvier 2008

Suicide

Travailler dans un club vidéo m'a permi de retrouver parmi mes clients quelques camarades du secondaire. Certains étaient au Cégep, d'autres sur le marché du travail ou encore à l'école pour adultes. Il y avait quelque chose de fascinant à pouvoir contempler concrètement des parcours de vie en train de se façonner. Certes, on pouvait s'imaginer sans peine le destin de la majorité des adolescents que nous fréquentions à l'école secondaire. Les revoir ne faisait que confirmer nos croyances.

Une soirée, un ancien collègue de classe m'informe de ses occupations ainsi que celles d'amis communs. Avant de quitter, il se retourne vers moi : « Ah ouais, j'oublais, tu te souviens de Berthier ? »

- Ouais, bien sûr !

- Ben il est plus là !

- Quoi ?

- Il est plus là, il a sauté du haut d'une fenêtre.

Je ne crois pas que personne ne pouvait détester Berthier. Il avait tout du bon gars : drôle, charismatique et porteur d'un rêve que l'on aimait partager avec lui. Il voulait devenir rapper professionnel et faisait ses premiers pas dans un milieu relativement fermé aux Blancs. Il avait de l'expérience de scène et contemplait la possibilité d'enregistrer un album avec ses amis. Il avait rencontré un producteur intéressé mais, vu le minuscule montant offert, il craignait de se faire escrocrer.

Les raisons derrières sa mort s'imaginaient sans peine : les choses ne s'étant pas déroulées comme prévues, il avait probablement préféré tout abandonner plutôt que de perséverer. Entre deux clients, j'ai eu une pensée pour cet ado qui, comme tant d'autres, comme moi d'ailleurs, rêvait de célébrité pour échapper à la médiocrité du quotidien.

Environ un an plus tard, je déambule dans les rues de mon quartier. Je viens de finir un shift de soir au club vidéo et me dirige chez une fille pour qui j'ai le béguin. Je m'arrête dans un dépanneur pour me procurer une boisson gazeuse et qui se trouve derrière la caisse, Berthier ! Il a énormément changé depuis la dernière fois où je l'ai vu. Il a pris énormément de poids, mais ce que je remarque immédiatement est son nouveau regard. La lumière d'espoir a disparu complètement de ses yeux pour être remplacé par un ennui assumé. Une chose me chicote quand même, qu'est-ce qu'il fait là à me vendre du fromage en crotte ? Ne devrait-il pas plutôt se trouver dans le cimetière situé, ironiquement, de l'autre côté de la rue ? Trop gêné pour demander quelques éclaircissements, je ne fais que le saluer poliment avant de quitter le petit commerce.

Dehors, les pensée se bousculent : il n'a peut-être fait qu'une tentative et a survécu, il doit travailler la nuit pour fuir ses démons, ce qui explique son tin déprimé, on s'est peut-être foutu de ma gueule aussi... Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai jamais eu de réponse à mes questions. Rien n'a réussi à effacer cette impression d'avoir passé quelques minutes en compagnie d'un fantôme.